MV Agusta : L'histoire légendaire de l'icône italienne

MV Agusta ! Première leçon : c'est Agusta, pas Augusta. Cette marque est tellement italienne qu'on peut presque sentir l'odeur de l'espresso – même si ces dernières années, elle a appartenu à des propriétaires malaisiens, américains, russes et plus récemment autrichiens. Une cuisine fusion de moto, sport et luxe !

L'histoire de MV Agusta commence en 1927, lorsque les premiers deux-roues voient le jour en tant qu'activité secondaire du constructeur d'avions Agusta. Cependant, la Seconde Guerre mondiale recentre l'attention sur l'aviation. Après la guerre, les premières motos MV Agusta émergent pour offrir aux gens un moyen de transport abordable et simple. Le traité de paix interdisant à l'Italie de fabriquer des équipements militaires, l'entreprise se concentre alors sur les motos, posant ainsi les fondations d'une des marques de motos les plus célèbres au monde.

Les débuts sont modestes : la première machine, la MV 98, est si simple qu'à côté, une Fiat Panda ressemble à une Lamborghini. Elle est initialement appelée "Vespa 98" jusqu'à ce que l'on découvre que Piaggio a déjà enregistré ce nom.

En parallèle, une passion pour la compétition se développe déjà. MV Agusta commence à modifier des motos de série pour les courses et décroche rapidement des succès nationaux et internationaux. Ces succès ne sont pas simplement des à-côtés, ils forment le cœur de l'identité de la marque : 37 titres de champion du monde, des victoires dans presque toutes les catégories, de 125cc à la classe reine de 500cc, ainsi que des pilotes légendaires comme John Surtees, Mike Hailwood et Giacomo Agostini façonnent l'image de la marque.

Cet ADN de la course se retrouve directement dans les motos de série. En 1965, MV Agusta présente la MV Agusta 600, la première moto équipée d'un moteur quatre cylindres en ligne transversal. Oui, ce n'est pas les Japonais, mais bien MV qui a inventé cette configuration moteur incontournable aujourd'hui. Cependant, le Comte Domenico Agusta craint que ce moteur puissant, entre de mauvaises mains, puisse concurrencer les pilotes d'usine de MV, et il fait délibérément brider la MV Agusta 600. Le résultat : une moto de touring avec un grand phare carré, surnommée "Cochon Noir", considérée à l'époque comme l'une des motos les plus laides.

À partir de cette base plutôt malheureuse, naît à la fin des années 1960 la MV Agusta 750 S, la première véritable légende sportive de la marque. Avec 72 chevaux, un réservoir de 25 litres et un poids de 237 kg, elle atteint près de 200 km/h, apportant l'esprit de compétition de la marque dans une moto de série.

Un autre modèle, la MV Agusta 750 S America, était destiné à conquérir le marché américain. Cependant, malgré des améliorations de performance significatives, elle ne peut pas rivaliser directement avec la Honda CB 750, nettement plus abordable. La moto japonaise coûte seulement 2 190 dollars, tandis que la précieuse machine italienne est affichée à un prix de 6 500 dollars.

Malgré sa domination sur les circuits, le succès commercial se fait attendre. Le déclin commence avec la mort du Comte Domenico Agusta en 1971. Par la suite, l'État italien intervient, la marque est placée sous administration judiciaire et retirée du championnat du monde de moto en 1976. En 1978, la division moto est complètement fermée, car l'accent est mis sur le secteur des hélicoptères, plus lucratif.

Cependant, dans les années 1990, la marque reprend vie : la famille Castiglioni, qui soutient Cagiva, acquiert MV Agusta et l'icône du design Massimo Tamburini développe l'une des plus belles motos de l'histoire : la MV Agusta F4 750 Serie Oro.

La F4 750 Serie Oro suscite un énorme engouement lors de sa présentation en 1997. Avec 126 chevaux, un couple de 72 Nm, une vitesse maximale de 275 km/h, un bras oscillant monobras, un cadre treillis, un vilebrequin à rotation inverse et un design qui mérite une place entre l'Adam de Michel-Ange et la Madone de Raphaël. De nombreuses caractéristiques typiques que nous associons aujourd'hui à MV sont établies avec la F4.

Mais attention : la F4 est présentée en 1997, mais elle n'est produite qu'à partir de 1999. La situation de la marque MV est alors déjà très tendue, la pression du succès est grande et la presse critique est aux aguets pour le premier modèle MV Agusta depuis des années. Claudio Castiglioni veut, non, doit prouver que "sa moto" est prête à performer – et il la présente au public critique sur le circuit de Monza. Son équipe de développeurs recommande en fait de faire la présentation sur une piste avec moins de passages à plein régime, mais Castiglioni insiste sur le prestigieux Autodromo Nazionale di Monza. Et en effet, les essais presse couvrent plus de 2 000 km sans problème.

La F4 file sur la piste avec une telle aisance que certains journalistes hypercritiques doutent des 265 km/h affichés au compteur. La solution ? Un radar installé à la fin de la longue ligne droite de départ-arrivée fait taire les derniers sceptiques et Castiglioni peut respirer. Une étape importante est franchie.

Une fois la Serie Oro présentée et toutes les unités vendues, MV se concentre sur le modèle de série, la F4 750 S. Dès lors, la F4 traverse différentes phases de développement et de nombreuses éditions limitées, tout en conservant toujours le même esprit et l'amour du design. Jusqu'à ce que la dernière F4 doive finalement céder à la norme d'émissions Euro4.

Quand on possède déjà un pur-sang dans son écurie, on veut naturellement transmettre son ADN. Ainsi, MV Agusta a rapidement proposé une version dépouillée avec la technologie de la F4, qui a reçu à juste titre le nom de « BRUTALE » - et ce, pour des raisons évidentes. Elle utilise le même moteur et cadre que sa sœur supersportive, mais dans un format roadster. Au fil des décennies, la Brutale s'est développée parallèlement à la F4, proposée en de nombreuses variantes et éditions spéciales, et est aujourd'hui disponible avec un moteur quatre cylindres de 1 000 cm³ ou un moteur trois cylindres de 800 cm³.

Aussi "brutale" que soient la version naked de la F4 et ses successeurs, MV ne serait pas MV s'ils ne construisaient pas un modèle encore plus radical - tant en termes de performance que de design. À mon avis, MV Agusta partage quelque chose avec Lamborghini : le mot "subtil" ne semble pas figurer dans leur vocabulaire.

Peu avant la pandémie, au moment même où Ducati présente la renaissance du Streetfighter avec un moteur V4, les Italiens de Varese dévoilent au monde leur vision d'un hypernaked : la MV Agusta Rush.

Conçue par l'équipe dirigée par Adrian Morton, la Rush est véritablement impressionnante. Non seulement grâce à ses 208 chevaux pour un poids à sec de 186 kg et une vitesse maximale de plus de 300 km/h, mais aussi grâce à son design extrêmement saisissant. Il suffit de regarder la roue arrière en carbone ou les carénages aux formes extravagantes pour comprendre que cette moto est un véritable manifeste.

Le prix initial était d'environ 30 000 euros pour chacune des 300 unités prévues. Aujourd'hui, cependant, le site affiche une fourchette de prix dépassant les 50 000 euros – sans préciser si des unités sont encore disponibles.

Sans la F4 dans le catalogue, MV Agusta manquait d'une moto sportive entièrement carénée dans sa gamme. Cela change avec la présentation de la MV Agusta Superveloce 1000 Serie Oro – une évolution du concept qui a commencé avec le moteur F3 de 800 cm³ et qui atteint un nouveau niveau dans tous les aspects.

Le design reste fidèle à la ligne des MV 800, inspirée par les machines de course de la marque. Malgré ses lignes futuristes, elle présente des éléments rétro, comme le phare rond traditionnel, la sangle en cuir sur le réservoir et les couleurs classiques de MV.

La Superveloce 1000 est absolument spectaculaire, mais aussi extrêmement élégante – ce qui ne pouvait pas être dit de certains modèles précédents. Le cadre doré, les jantes dorées et le système d'échappement quadruple sous la selle rappellent la première et légendaire F4 750.

Dotée d'une suspension électronique Öhlins, du même moteur de 208 chevaux que la Rush et de l'électronique la plus avancée, elle fait partie des machines les plus techniquement impressionnantes de sa catégorie. Chacune des 500 unités est vendue dans une fourchette de prix allant de 68 000 euros en Espagne à 82 000 euros en Autriche. Et cette valeur ne fera qu'augmenter avec le temps.

Ces motos impressionnantes et leurs caractéristiques exagérées donnent l'impression que MV Agusta est de retour en pleine forme. Mais la chance de cette marque aux nombreux déboires ne dure que peu de temps. Brian Gillen, l'homme qui a dirigé le programme de développement des motos italiennes au cours de la dernière décennie, quitte la marque pour prendre la direction de la marque britannique Norton, récemment acquise par le groupe indien TVS. Et ce n'est de loin pas la seule crise que MV a dû surmonter depuis l'acquisition par les Castiglioni.

Malgré le prestige des deux-roues exclusifs de MV Agusta et des apparitions marquantes, comme en 2004 dans le film hollywoodien "I, Robot" avec Will Smith, MV Agusta se retrouve quelques années plus tard à nouveau confrontée à des problèmes financiers, des changements de propriétaires et beaucoup d'incertitude. C'est comme un feuilleton, mais avec des motos.

• En 2008, Harley-Davidson achète la marque, mais la revend dès 2009.
• En 2011, Claudio Castiglioni décède, et son fils Giovanni prend la direction de MV. La nouvelle famille de moteurs trois cylindres de 800 cm³ se vend bien, mais les chiffres de vente ne suffisent pas à surmonter les dettes et les problèmes avec le réseau de distribution et l'approvisionnement en pièces détachées.
• En 2014, pour surmonter les difficultés financières, AMG acquiert 25 % de l'entreprise. Vous vous souvenez peut-être de cette époque où Lewis Hamilton circulait avec sa Brutale dans le paddock MotoGP.
• En 2016, dans une situation extrêmement critique, MV doit procéder à une restructuration et trouver un nouvel investisseur. Le groupe russe Black Ocean entre en jeu et, à partir de 2018, Timur Sardarov devient le PDG de la marque italienne.
• Cependant, la situation reste difficile, surtout avec les turbulences de la pandémie de Covid. En 2022, Pierer Mobility (KTM) acquiert finalement 25,1 % des parts avec une option d'achat pour la majorité, ce qui se réalise déjà en 2024, et Hubert Trunkenpolz prend la direction.

Une fois de plus, l'espoir renaît chez MV. Le grand groupe KTM devait intégrer les prestigieuses motos Agusta dans la structure KTM pour rendre les activités de MV plus efficaces et les motos plus fiables. De cette collaboration austro-italienne est née une moto MV tout à fait inhabituelle, l'Enduro Veloce.

Cependant, comme nous le savons maintenant, MV Agusta n'a pas eu de chance avec son dernier propriétaire. La force supposée du groupe KTM s'est dissipée à l'automne 2024 en quelques semaines, des montagnes de dettes inattendues se sont accumulées et la marque italienne prestigieuse est devenue la première victime dans la lutte pour la survie de KTM. Ce qu'il adviendra de MV Agusta, entre quelles mains elle tombera, ce qu'il adviendra des anciens modèles légendaires de MV ainsi que des nouvelles créations comme l'Enduro Veloce, personne ne le sait actuellement. On ne peut qu'espérer que des investisseurs seront prêts à remettre sur les rails l'ancien recordman de la MotoGP, le Lamborghini du marché de la moto, l'un des fabricants de motos les plus emblématiques.

Parfois, les choses évoluent rapidement. Le 31 janvier, il a été annoncé que la famille Sardarov, via Art of Mobility S.A., reprend le contrôle total de l'entreprise, officialisant ainsi la séparation avec KTM. Le montant déboursé par l'ancien et nouveau PDG russe reste flou, KTM évoquant un montant moyen à deux chiffres en millions. La responsabilité du succès de MV revient donc à Varese et Sardarov souhaite continuer à améliorer les bons chiffres récents. En 2024, MV Agusta a vendu 4 000 motos, ce qui représente une croissance de 116 % par rapport à l'année précédente. Le secteur des pièces détachées a également connu une année record avec un taux de disponibilité de 99 %. De plus, les 219 points de vente actifs continueront à fonctionner, avec une expansion prévue à 270 sites cette année.

L'entreprise reste indépendante et continue de se concentrer sur le développement de motos innovantes et exclusives, avec Varese comme centre pour le développement des produits, la production, la distribution et le service. Le PDG Timur Sardarov souligne que la reprise du contrôle total renforce MV Agusta et que les améliorations structurelles des dernières années assureront le succès à long terme. La famille Sardarov est fermement déterminée à soutenir l'entreprise ainsi que ses concessionnaires et partenaires, et à mener MV Agusta vers un avenir prospère.

MV Agusta est bien plus qu'un simple constructeur de motos – c'est une icône de l'industrie motocycliste. Malgré toutes les crises, les changements de propriétaires et les difficultés financières, MV reste une marque qui allie passion, compétition et design époustouflant. L'avenir est incertain, mais l'histoire de MV Agusta continuera de vivre – espérons avec un nouveau chapitre plein de succès.